Prélèvement sur les plus-values résultant de mesures d'aménagement
1 Bases et qualification
(Art. 21, 85 et 148 LI)
1.1 Bases légales
Aux termes de l'article 5, alinéa 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), le droit cantonal doit établir un régime de compensation permettant de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent de mesures d'aménagement. Dans le canton de Berne, comme dans la plupart des autres cantons, les avantages résultant de mesures d'aménagement sont compensés dans le cadre de l'imposition des gains immobiliers (art. 142 de la loi sur les constructions en relation avec art. 148, al. 1 LI). Cette solution est conforme à l'article 5, alinéa 1 LAT.
Conformément à l'article 142 LC, les propriétaires fonciers auxquels des mesures d'aménagement procurent des avantages supplémentaires peuvent en outre s'engager par voie contractuelle à mettre une part convenable de la plus-value résultant de l'aménagement à disposition pour «certains buts d'intérêt public». On parle alors d'engagement contractuel de compensation de la plus-value résultant de mesures d'aménagement. En pratique, ce genre d'engagement sont généralement passés par contrats dits d'infrastructure. On distingue les deux types de contrat d'infrastructure suivants:
(1) ceux prévoyant une participation aux frais généraux d'infrastructure de la commune (pour les bâtiments scolaires, les écoles enfantines, les aires de jeu, l'équipement général, etc.),
(2) ceux prévoyant une participation directement liée au classement de l'immeuble en zone à bâtir (en particulier aux frais d'équipement).
Dans le premier cas, on parle de «contributions improprement dites aux frais d'infrastructure», car les installations cofinancées n'ont aucun lien particulier avec l'immeuble. Dans le second cas, il s'agit de «contributions proprement dites aux frais d'infrastructure», car le particulier qui est partie au contrat (co)finance le projet communal d'infrastructure dont il tire un avantage et qui est directement à l'origine de la plus-value de son immeuble. Le prélèvement dû sur la plus-value résultant de mesures d'aménagement compense la plus-value que les mesures d'aménagement ont donnée à l'immeuble, sans qu'il y ait eu transfert de la propriété civile.
1.2 Qualification fiscale
La nature juridique du prélèvement sur les plus-values résultant de mesures d'aménagement est floue. Le Tribunal fédéral renvoie à la doctrine qui, selon les cas, considère ce genre de «taxes sur la plus-value» soit comme un «impôt mixte», soit comme une «nouvelle catégorie de contributions publiques», soit comme une «contribution causale sans corrélation avec les coûts» (ATF 2P.283/1999 cons. 5). Le prélèvement sur les plus-values résultant de mesures d'aménagement pourrait tout au plus être considéré comme une «contribution causale sans corrélation avec les coûts» (ATA du 31.08.2009 en la cause commune de L., cons. 4.1). Ce prélèvement n'est pas inconditionnellement dû (ce n'est donc pas un impôt), et n'obéit pas non plus aux principes de la couverture des coûts et de l'équivalence.
1.3 Relation avec l'impôt sur les gains immobiliers
L'engagement contractuel de compensation de la plus-value résultant de mesures d'aménagement de l'article 142 LC et l'impôt sur les gains immobiliers des articles 126 et suivants LI frappent le même objet fiscal (plus-value immobilière) et sont perçus auprès du même sujet fiscal (propriétaire de l'immeuble). Ce sont des prélèvements similaires. Il serait inadmissible que la collectivité publique qui a opéré un prélèvement sur une plus-value par la voie du contrat d'infrastructure visé à l'article 142 LC puisse assujettir la même plus-value à un autre prélèvement, l'impôt sur les gains immobiliers (décision de la CRF du 14.10.1997, in JAB 1998, p. 421, cons. 4). Les prélèvements sur la plus-value déjà versés en vertu d'un contrat d'infrastructure doivent être pris en compte lors de l'imposition du gain immobilier. Les ouvrages spécialisés en la matière distinguent deux différentes méthodes pour en tenir convenablement compte selon les cas: la méthode des impenses et la méthode de l'imputation.
Les contributions proprement dites aux frais d'infrastructure revêtent le caractère de frais d'investissement et sont donc directement déduites du gain immobilier brut imposable (application de la méthode des impenses). Les frais suivants sont pris en compte au titre de frais d'investissement au sens de l'article 142, alinéa 2, lettres c à e LI:
- les dépenses engagées pour augmenter durablement la valeur de l'immeuble (...), ainsi que les constructions érigées sur un immeuble en vertu d'une convention avec l'autorité (...),
- les contributions des propriétaires fonciers payées à la commune conformément à la loi ou conformément au règlement communal, ou les contributions aux frais correspondantes convenues par contrat,
- les frais d'aménagement de la commune que supporte le propriétaire foncier parce qu'ils sont directement liés à l'avantage qu'il tire de la mesure d'aménagement, et les frais de mesures de protection des immeubles.
En revanche, les contributions improprement dites aux frais d'infrastructure ne revêtent pas le caractère de frais d'investissement (ATA du 31.08.2009, cons. 5). On admet toutefois qu'il s'agit d'un prélèvement anticipé de l'impôt sur les gains immobiliers, qui doit être retranché de la part communale à l'impôt sur les gains immobiliers (application de la méthode de l'imputation). Si le prélèvement sur la plus-value est supérieur à la part communale de l'impôt sur les gains immobiliers, il n'est pas tenu compte de la différence pour calculer le montant de l'impôt sur les gains immobiliers dû (ATA du 31.08.2009, cons. 4.4).Illustration 1: Aperçu prélèvement sur les plus-values résultant de mesures d'aménagement
2 Immeubles de la fortune privée
Les immeubles de la fortune privée ne posent aucun problème particulier. Les sommes prélevées sur les plus-values résultant de mesures d'aménagement sont exclusivement prises en compte dans le cadre de l'imposition du gain immobilier. Si elles ne sont pas déductibles du gain immobilier au titre de frais d'investissement, elles sont retranchées de la part communale à l'impôt sur les gains immobiliers. La somme totale du prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value reste systématiquement acquise à la commune, même si sa part à l'impôt sur les gains immobiliers est inférieure (Langenegger, Handbuch zur bernischen Grundstückgewinnsteuer 2001, art. 148, N 14).
3 Immeubles de la fortune commerciale
Les prélèvements perçus au titre de compensation des plus-values d'immeubles de la fortune commerciale sous forme de contributions improprement dites aux frais d'infrastructure sont également retranchés de la part communale à l'impôt sur les gains immobiliers, pour la part qui n'est pas déductible du gain immobilier au titre de frais d'investissement. Mais ce type d'immeubles soulève certaines questions:
a) Comment tenir compte des contributions improprement dites aux frais d'infrastructure dans le cadre de l'imposition des revenus ou du bénéfice? Les prélèvements perçus au titre de compensation des plus-values sont-ils des charges justifiées par l'usage commercial?
b) Que se passe-t-il lorsque l'activité consiste à faire commerce d'immeubles, puisque dans ce cas, le produit de la vente n'est pas assujetti à l'impôt sur les gains immobiliers mais à l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice (art. 129, al. 1, lit. a LI). Les explications ci-après répondent à ces deux questions selon que le propriétaire foncier est une personne physique ou une personne morale et qu'il fait ou non commerce d'immeubles. En appendice, des exemples illustrent ces propos.
3.1 Personnes physiques ne faisant pas le commerce d'immeubles
3.1.1 Canton et commune
Dans les cantons ayant adopté le système moniste (canton de Berne), les gains immobiliers sont assujettis à l'impôt sur les gains immobiliers. De l'avis de l'Intendance des impôts, les prélèvements perçus au titre de compensation des plus-values résultant de mesures d'aménagement en vertu d'un contrat d'infrastructure improprement dit ne constituent pas des charges justifiées par l'usage commercial. La plus-value ne peut pas non plus être enregistrée à l'actif du compte de l'immeuble, car les prélèvements perçus au titre de compensation ne sont pas considérés comme des frais d'investissement déductibles du gain immobilier. Ces prélèvements constituent un gain immobilier perçu d'avance, du fait que la plus-value est déjà réalisée. L'Intendance des impôts accepte toutefois qu'ils soient inscrits à l'actif au titre de versement à la commune en compensation de plus-values résultant de mesures d'aménagement. Cet actif devra être traité comme suit l'année de l'aliénation:
- si l'on admet qu'un gain immobilier est taxé au titre de l'impôt sur les gains immobiliers à Berne, le prélèvement frappant les plus-values résultant de mesures d'aménagement au sens de l'article 148 LI doit être retranché de la part communale à cet impôt.
- si le montant prélevé au titre de compensation de la plus-value est supérieur à la part communale de l'impôt sur le gain immobilier, le prélèvement inscrit à l'actif, et qui n'est pas déductible du gain immobilier, constitue, pour l'imposition des revenus, une charge exceptionnelle justifiée par l'usage commercial.
3.1.2 Confédération
La part du prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value qui dépasse la part communale à l'impôt sur les gains immobiliers constitue une charge exceptionnelle justifiée par l'usage commercial (voir appendice, exemple 1).
3.2 Personnes physiques faisant le commerce d'immeubles
Les gains immobiliers réalisés dans le cadre d'un commerce professionnel d'immeubles au sens de l'article 129, alinéa 1, lettre a LI ne sont pas assujettis à l'impôt sur les gains immobiliers. Dans ce cas, le prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value résultant de mesures d'aménagement est retranché de la part communale à l'impôt sur le revenu frappant le gain immobilier. Pour cela, il faut donc préalablement répartir la part communale à l'impôt sur le revenu à proportion de la part du gain immobilier dans les autres revenus. Si le montant du prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value est supérieur au montant de la part communale à l'impôt (sur le revenu) frappant le gain immobilier, la différence constitue une charge exceptionnelle justifiée par l'usage commercial en matière d'imposition du revenu (voir appendice, exemple 2).
3.3 Personnes morales ne faisant pas le commerce d'immeubles
3.3.1 Canton et commune
Dans les cantons ayant adopté le système moniste, les gains immobiliers sont assujettis à l'impôt sur les gains immobiliers. Pour les personnes morales, les impôts fédéraux, cantonaux et communaux constituent des charges justifiées par l'usage commercial (art. 90, lit. a LI et art. 59 LIFD). L'impôt sur les gains immobiliers ne déroge pas à cette règle. Comme le prélèvement sur les plus-values résultant de mesures d'aménagement n'est pas un «impôt», mais une «taxe causale sans corrélation avec les coûts», il ne constitue pas, à la date du prélèvement, une charge justifiée par l'usage commercial au sens des articles 90, lettre a LI et 59 LIFD. Seuls les impôts effectivement dus constituent des charges justifiées par l'usage commercial (voir appendice, exemple 3).
L'Intendance des impôts accepte que ce genre de prélèvement perçu au titre de compensation d'une plus-value soit inscrit à l'actif comme paiement à la commune pour plus-value résultant de mesures d'aménagement à la date effective de naissance de la créance. Si l'on admet qu'un gain immobilier est assujetti à l'impôt sur les gains immobiliers dans le canton de Berne, le prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value est retranché de la part communale à la l'impôt conformément à l'article 148 LI (écriture comptable: charge d'impôt sur les gains immobiliers à paiement à la commune pour plus-value résultant de mesures d'aménagement). Cela ne pose aucun problème si le prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value est inférieur à la part communale à l'impôt. Le reste des charges d'impôt sur les gains immobiliers est compensé l'année de l'aliénation avec effet sur le résultat. Si le prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value est supérieur à la part communale à l'impôt, la différence est comptabilisée avec effet sur le résultat (charges exceptionnelles à paiement à la commune pour plus-value résultant de mesures d'aménagement).
3.3.2 Confédération
Seule la part du prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value qui peut être retranchée de l'impôt sur les gains immobiliers est prise en compte dans l'assiette de l'impôt sur le bénéfice (voir appendice, exemple 3).
3.4 Personnes morales faisant le commerce d'immeubles
Les gains immobiliers réalisés par les personnes morales qui exercent le commerce professionnel d'immeubles au sens de l'article 129, alinéa 1, lettre a LI ne sont pas assujettis à l'impôt sur les gains immobiliers. Dans ce cas, le prélèvement frappant les plus-values résultant de mesures d'aménagement est retranché de la part communale à l'impôt sur le bénéfice frappant le gain immobilier. Pour cela, il faut donc préalablement répartir la part communale à l'impôt sur le bénéfice à proportion de la part du gain immobilier dans le bénéfice net imposable (voir appendice, exemple 4).
La part du prélèvement perçu au titre de compensation de la plus-value qui n'est pas retranchée de la part communale à l'impôt peut être comptabilisée l'année d'aliénation avec effet sur le résultat (charges exceptionnelles à paiement à la commune pour plus-values résultant de mesures d'aménagement).
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Version du 12.01.2023