1 Définition
Les provisions servent à enregistrer sur l'exercice considéré des charges et des pertes probables , voire certaines, au jour de clôture du bilan mais dont le montant ou la date de réalisation restent indéterminés. Elles constatent les dettes et les engagements de l'entreprise existant au jour de clôture du bilan mais dont l'existence ou le montant ne sont pas encore exactement établis. La cause de la future perte de numéraire, de biens ou de prestations doit être survenue au cours de l'exercice devant être clos ou tout au moins au cours d'un exercice précédent.
Les provisions font partie des dettes, ce en quoi elles se distinguent des rectifications de valeur qui constituent des postes rectificatifs et servent à couvrir des risques de perte pesant sur certains postes de l'actif circulant (ex: ducroire).
Les provisions se distinguent également des réserves d'amortissement qui, du point de vue de l'entreprise, sont des réserves composant le capital propre. La loi fiscale bernoise s'écarte toutefois de cette terminologie puisque les réserves d'amortissement qu'elle prévoit pour les projets de recherche et le développement, pour les frais de transformation et de restructuration d'entreprise nécessaires pour des raisons économiques et pour les mesures de protection de l'environnement (art. 34, al. 2 et art. 92, al. 2 LI) sont en pratique assimilées à des dettes.
Contrairement à l'amortissement, qui constate une dépréciation irréversible, la provision est de nature passagère. Si le risque constaté par la provision ne survient pas ou pas à hauteur du montant provisionné, la provision devenue inutile doit être dissoute et réintégrée au résultat tant commercial que fiscal. Si l'entreprise la conserve alors qu'elle n'est plus justifiée, la provision devient une réserve (imposable).
2 Traitement fiscal
2.1 Principe
Conformément au principe de l'autorité du bilan commercial pour l'établissement du bilan fiscal, les provisions nécessaires selon les principes généralement admis dans le commerce (art. 960e, al. 2 CO) sont admises en droit fiscal (art. 15, al. 3 OAm). L'entreprise doit en présenter les bases de calcul. Leur déductibilité suppose également que la provision soit comptabilisée. Les personnes qui ne sont pas soumises à l'obligation de tenir une comptabilité les présentent (tableaux, etc.) de telle sorte que les autorités fiscales puissent en contrôler efficacement la réalité et la justification ou la légitimité en fonction de la nature de l'entreprise (ATF du 3.7.1980 in Archives, vol. 54/661). Cependant, les provisions obligatoires en droit commercial sont en principe prises en compte pour la détermination du bénéfice net fiscal même si la personne contribuable ne les a pas comptabilisées (Reich/Züger; Commentaire LIFD, N 7 ad art. 29 [non traduit]).
Les provisions doivent être constituées au cours de l'exercice concerné. Une provision justifiée par l'usage commercial ne peut être rattachée à un exercice ultérieur à son exercice d'origine que si la perte qui aurait résulté de son rattachement à son exercice d'origine est encore déductible selon les règles de compensation des pertes (ATA ZH 14.7.1999 in StE B 72.14.2 n° 23).
Les provisions qui revêtent pour l'entreprise le caractère de réserves ne sont pas reconnues. Il s'agit par exemple des "provisions" pour
les projets d'acquisition d'actifs,
des charges et des pertes n'existant pas encore,
les risques d'ordre général encourus par l'entreprise (risques liés aux fluctuations du marché, risques conjoncturels, etc.)
Les réserves d'amortissement visées aux articles 34, alinéa 2 et 92, alinéa 2 LI (projets de recherche et développement, frais de transformation et de restructuration nécessaires pour des raisons économiques, protection de l'environnement) dérogent à ce principe: elles sont assimilées à des charges justifiées par l'usage commercial et font partie des dettes.
Lorsque les autorités fiscales réintègrent des provisions qu'elles avaient a priori admises comme telles sans contrôle particulier mais qui s'avèrent finalement non justifiées par l'usage commercial, la personne contribuable ne peut se soustraire à l'imposition en arguant que ces provisions ne répondaient d'emblée à aucune justification commerciale et qu'elles auraient donc dû être imposées au moment de leur constitution (ATF du 12.3.1971, NStP 1971/163).
2.2 Obligation de prendre livraison et de livrer
2.2.1 Obligation de prendre livraison
L'obligation commerciale de prendre livraison d'un bien (ex: contrats relatifs à des marchandises) ne peut pas être inscrite au passif comme telle. Elle peut pourtant constituer une charge patrimoniale au jour de clôture du bilan si la valeur des marchandises commandées a entre-temps chuté en dessous du prix d'achat ou que ces marchandises ne peuvent plus être utilisées comme prévu. Pour répondre au principe de prudence, le droit commercial commande de constituer une provision pour les pertes de valeur de ce type qui sont établies. Cette provision est en principe admise en droit fiscal (Reich/Züger/Betschart; Commentaire LIFD, N 19 ad art. 29 [non traduit]). Elle doit cependant être entièrement ou partiellement dissoute en cas d'augmentation du prix du bien.
2.2.2 Obligation de livrer
La conclusion d'un contrat, tel qu'un contrat d'entreprise, se traduit en termes comptables par un en cours. Ni la prestation, ni la contrepartie ne sont encore intervenues. L'entreprise endosse d'une part une obligation de livraison ou de prestation et acquiert de l'autre le droit à la contrepartie. Si, conformément au principe de réalisation, la conclusion d'un contrat de livraison ne justifie pas en soi l'enregistrement d'un bénéfice dans les comptes annuels, il nécessite, conformément au droit commercial, la constatation, par le biais de provisions, des risques de pertes identifiables à la conclusion du contrat ou lors de l'exécution de la transaction. Ces risques peuvent notamment résulter:
d'augmentations des prix d'approvisionnement,
de dépassements de charges dus à des vices de construction, des erreurs de calcul ou à l'exécution irrationnelle d'une tâche,
d'une pénalité conventionnelle en prévision d'un retard de livraison.
Les provisions couvrant ce genre de risques sont admises en droit fiscal à condition que le coût de revient probable des biens à livrer excède le prix de vente convenu par contrat (Reich/Züger/Betschart; Commentaire LIFD, N 19 ad art. 29 [non traduit]). Le montant de ces provisions dépend des pertes établies individuellement. Les provisions forfaitaires ne sont admises qu'au cas par cas et non de manière générale.
2.3 Obligations de garantie
Les obligations de garantie naissent à la conclusion d'un contrat de vente ou d'entreprise et consistent, pour le vendeur ou le constructeur d'un bien, à s'engager vis-à-vis de l'acheteur à répondre des vices de la chose livrée. L'acheteur peut faire valoir ses droits en se fondant sur les obligations de garantie légales ou contractuelles ou en requérant des arrangements commerciaux.
Les provisions pour prestations de garantie couvrent les obligations de garantie qui existent effectivement ou vraisemblablement à la clôture du bilan et dont l'exécution est certaine mais dont l'étendue est encore indéterminée.
Le montant de la provision pour garantie qui peut être admis doit en général être estimé. L'entreprise peut pour cela se fonder sur les expériences similaires qu'elle a eues au cours des années précédentes. Elle doit toutefois en justifier les fondements et en présenter les bases de calcul (ex: montant des dommages effectifs dans le passé). Lorsqu'elles reflètent cette évolution ordinaire des cas de garantie, les provisions peuvent être déduites à condition que les risques imminents ne soient pas déjà assurés (DCR du 16.4.1996 en la cause W. SA, non publiée).
Les éventuelles créances non réglées par l'acheteur en gage de l'obligation de garantie (ex: rétention de garantie contre le maître d'oeuvre dans l'industrie du bâtiment) doivent être inscrites à l'actif malgré l'existence de la provision pour garantie. De même, les droits aux prestations d'assurance couvrant le dommage potentiel visé par l'obligation de garantie doivent être inscrits à l'actif ou déduits de la provision pour garantie.
Provision forfaitaire de garantie
Conformément à l'ordonnance sur les amortissements (art. 15, al. 4), une provision forfaitaire de 2% est accordée sur les recettes de la période fiscale qui sont assujetties à garantie. Seules les recettes de l'année en cours servent de base de calcul (ATF du 29.8.2008, NStP 2008, page 110). Cette provision forfaitaire de garantie est également admise pour l'impôt fédéral direct.
Les recettes assujetties à garantie sont celles qui résultent de la vente de produits fabriqués ou transformés par l'entreprise qu'il est d'usage de garantir ainsi que celles qui résultent de contrats d'entreprise. Les recettes résultant de la vente de produits finis sont exclues de la forfaitarisation car le vendeur peut en général se retourner contre le constructeur ou le fournisseur de ces produits. Les recettes résultant de la vente de services ou de l'exécution de commande ne sont pas non plus assujetties à garantie. Bien que des dommages-intérêts ou des prétentions en responsabilité civile puissent résulter d'un manque de soin ou de loyauté dans l'exécution de telles prestations, il s'agit là de risques d'ordre général liés à l'activité, qui ne peuvent pas être pris en compte de manière forfaitaire. Ils ne peuvent donner lieu à des provisions qu'à titre exceptionnel à condition qu'un dommage soit effectivement survenu au cours de l'exercice ou qu'il soit imminent et qu'il entraîne une obligation de paiement pour les exercices suivants.
2.4 Responsabilité civile
La provision couvrant les prestations en responsabilité civile que la personne contribuable doit fournir ensuite d'un événement déjà survenu ne peut excéder le montant non assuré du dommage. Par contre, les provisions couvrant des prétentions en responsabilité civile résultant de dommages qui ne surviendront qu'au cours d'années d'évaluation ultérieures ne sont pas déductibles. Il en va de même des provisions pour la responsabilité civile produits (CR ZH 16.10.1981 dans Revue fiscale 1983/49). Ces risques font partie des risques d'ordre général encourus par l'entreprise et doivent être constatés par la constitution de réserves.
Les provisions couvrant des prétentions en responsabilité civile qui naissent du fait que l'activité courante d'une entreprise industrielle cause des dommages (pollution sonore, pollution de l'air [gaz nocifs, fumée] ou des eaux, production de déchets nocifs, etc.) sont admises (Känzig II, N 382 ad. art. 49, al. 1, lit. c). Elles ne sont toutefois déductibles que si les dommages causés aux tiers au cours de l'exercice écoulé sont importants et qu'ils peuvent être prouvés, de sorte que la naissance des prétentions en responsabilité civile est vraisemblable, et à condition que l'assurance responsabilité civile ne couvre pas ces risques.
2.5 Obligations de remise en état
Ces obligations sont inhérentes aux contrats de location et d'affermage, souvent aussi aux autorisations et concessions à durée limitée, qui prévoient que l'objet loué ou affermé soit remis dans son état initial au terme du contrat. Le droit commercial exige la constitution de provisions couvrant les frais probables qu'implique une telle clause (Commentaire Käfer N 571 ad. art. 958 CO).
Ces provisions sont admises en droit fiscal. La charge probable doit être répartie sur toute la durée du contrat. Il s'agit ici d'un véritable poste de passif fondé sur une obligation de paiement, dont l'existence est quasi certaine mais le montant incertain (Känzig II, N 396 ad. art. 49, al. 1, lit. c).
2.6 Provisions pour réparation
2.6.1 Généralités
Les provisions pour réparations d'installations ou de bâtiments ne sont en principe pas admises surtout lorsqu'il s'agit de provisions couvrant la réparation de dommages résultant de l'usage constant et de l'usure ordinaire. Ces dépréciations sont en principe constatées par des amortissements justifiés par l'usage commercial.
Des provisions sont admises dans les cas suivants:
Conformément au principe du rattachement des charges à l'exercice qu'elles concernent, le fisc admet la constitution d'une provision, à hauteur des frais probables non couverts par l'assurance, pour le dommage nécessitant une réparation qui a été causé par un événement survenu au cours de l'exercice écoulé (accidents, pannes techniques, catastrophes naturelles, incendies, etc.) et dont la réparation n'est prévue qu'au cours de la période suivante. Les frais de réparation qui seront engagés ultérieurement devront être enregistrés au débit de la provision; le montant de la provision qui n'aura pas été utilisé devra être dissout et réintégré au résultat.
2.6.2 Grosses réparations sur des immeubles
Les grosses réparations sur des immeubles qui sont normalement nécessaires au bout d'un certain temps (rénovations de façades, de toitures, d'ascenseurs, d'installations de chauffages, de fenêtres, etc.) ne peuvent en principe pas faire l'objet de provisions. Toutefois, l'entreprise qui prévoit de réaliser de tels travaux de rénovation à court ou moyen terme peut chaque année constituer une provision fiscalement admise à concurrence de 2% de la valeur de l'assurance immobilière pour couvrir les coûts probables de ces travaux. Ces provisions peuvent être constituées durant huit années au maximum. Elles doivent être documentées dans le cadre de la procédure de taxation sur demande de l'Intendance des impôts et doivent être indiquées par bâtiment. Les coûts des travaux doivent être enregistrés au débit du compte de provision après soustraction des impenses augmentant la valeur, lesquelles doivent être inscrites à l'actif. La provision qui n'aurait pas été utilisée après achèvement des travaux doit être dissoute. De même, la provision doit être dissoute si les travaux n'ont pas été réalisés au bout de neuf ans. Précision à ce sujet: une provision peut être constituée de la première à la huitième année. La neuvième année, elle doit être dissoute si les travaux n'ont pas été exécutés. Mais si l’on prouve, au cours de la neuvième année, que l’on a toujours l’intention de faire réaliser la grosse réparation en temps utile mais que le début des travaux a été retardé, preuve à l’appui, pour des raisons extérieures, non imputables au contribuable, la provision peut encore être admise (mais elle ne peut plus être augmentée). Une telle preuve doit être fournie spontanément avec la déclaration d’impôt, au plus tard au cours de la neuvième année.
La déductibilité de telles provisions permet de répartir les charges de grosses réparations sur plusieurs années. Judicieuse et adaptée d'un point de vue économique, cette méthode permet également d'équilibrer les rentrées fiscales, ce qui est d'un intérêt notable pour les budgets des collectivités publiques.
2.7 Obligations en dommages-intérêts
Les obligations en dommages-intérêts peuvent faire l'objet de provisions admises fiscalement à condition que la personne contribuable ait des raisons sérieuses de les craindre. Le montant de la provision admise dans de tels cas dépend de la prestation probable à fournir, sachant que les éventuels droits de recours et d'assurance viennent en diminution de la provision.
2.8 Cautionnements
Les provisions pour cautionnements sont admises lorsque la personne contribuable a de sérieuses raisons de croire qu'elle devra payer à la place du débiteur principal bien que celui-ci soit encore solvable à la date de clôture du bilan. Le montant de la provision admise dépend de la prestation probable qui devra être fournie, qui est estimée en fonction des dispositions de droit civil relatives aux cautions et en tenant compte de la solvabilité du débiteur, de la valeur des gages et des possibilités de recours (Reich/Züger/Betschart; Commentaire LIFD, N 20 ad art. 29 [non traduit]).
Les promesses de garantie, comme les cautions, sont des sûretés. Comme pour la caution, l'entreprise est fondée à constituer une provision pour ses promesses de garantie si elle a des raisons de croire qu'elle devra verser des dommages-intérêts.
2.9 Risques de poursuites judiciaires
Les frais des procès pendants ou imminents peuvent faire l'objet d'une provision. Le montant de la provision varie au cas par cas selon les circonstances. Par contre, les provisions constituées en prévision de poursuites judiciaires qui pourraient résulter d'actes qui n'ont pas encore été commis ne sont pas admises.
2.10 Assurance de l'entreprise
L'entreprise qui renonce, pour autant qu'elle en ait le droit, à assurer les personnes et les choses (ex: assurance casco) en assume elle-même le risque. Ces risques, comme la responsabilité produits ou la responsabilité pour l'exécution loyale et soigneuse d'un contrat, font partie des risques d'ordre général liés à l'activité. Les provisions constituées en couverture de tels risques ne sont pas admises en droit fiscal. Une provision n'est admise que lorsqu'il existe des raisons concrètes de craindre des charges ou des pertes, notamment lorsqu'un dommage qui est survenu au cours de l'exercice ou qui est imminent entraînera un appauvrissement sans contrepartie au cours de la ou des périodes suivantes.
2.11 Jubilés d'entreprise
Les charges afférentes aux jubilés d'entreprise ne peuvent être comptabilisées qu'après avoir été effectivement engagées, car l'entreprise n'a aucune obligation ni légale ni commerciale d'engager des dépenses pour organiser un jubilé d'entreprise. Il n'existe donc aucune obligation commerciale de constater une provision (enregistrement par anticipation au passif) pour ces charges. Les sommes ainsi comptabilisées constituent donc des réserves. Il n'existe aucune disposition fiscale admettant la constitution de réserves pour les jubilés d'entreprise.
2.12 Provisions pour impôts dans le cas de personnes morales
Pour les personnes morales, les impôts constituent des charges fiscalement déductibles (art. 90, al. 1, lit. a LI). En revanche, les amendes fiscales ne sont pas déductibles (art. 90, al. 2 LI), voir également Déductibilité fiscale des amendes et des commissions occultes.
Des provisions pour impôts peuvent être constituées pour l’impôt sur le bénéfice et sur le capital, pour les sommes réclamées en sus à la suite de procédures judiciaires fiscales ainsi que pour tous les autres impôts dus (TVA, impôts sur les gains immobiliers, impôt sur les mutations, etc.).
Des provisions sur impôts excessives sont ajustées au niveau du bénéfice et du capital. Si des provisions sur impôts insuffisantes ont été enregistrées dans la comptabilité commerciale, elles peuvent également être corrigées dans le bilan fiscal (rectification du bilan). Une modification de la charge fiscale et des provisions sur impôts est effectuée d’office lorsque la base d’imposition est considérablement modifiée à la suite de corrections fiscales (p. ex. en cas de compensation de prestations appréciables en argent.
La charge fiscale doit en principe être comptabilisée pour la période correspondante. Les charges fiscales relatives à des exercices antérieurs, non liées à la période en cours, restent des charges justifiées par l’usage commercial, tant qu’il n’y a pas de transfert abusif de charges. En cas de taxation d’office entrée en vigueur, une charge fiscale comptabilisée au cours des années suivantes pour la ou les périodes fiscales concernées par cette taxation d’office n’est pas déductible fiscalement, car elle a déjà été prise en compte d’office dans le cadre de cette taxation.
Version du 18 juil. 2024